Les bactériophages sont des virus dont le tropisme est orienté sur les Bactéries ou les Archaea.
Il représente un ensemble d’espèces très diversifié puisqu’à l’état actuel des connaissances,
plusieurs espèces de phages ont été répertoriées pour une même espèce de bactérie.
Les phages sont divisés en 18 familles :
L’enveloppe protéine externe des virus est très caractéristique. Elle est composée d’une tête stockant le génome viral
et d’une queue servant à s’amarrer à la cellule cible et à y injecter le génome.
Les phages présentent tous un cycle lytique (réplication du virus et destruction de la cellules).
Certains d’entre eux possèdent également un cycle lysogénique (intégration du génome virale dans le génome bactérienne).
Le génome d’un phage est très compact avec des tailles comprises entre 6 et 650 kpb.
Pour maximiser l’espace de stockage, les gènes sont présents sur les deux sens de lectures
et peuvent être chevauchant entre eux. Des phénomènes d’épissage des ARNm existent également
pour permettre de produire plusieurs éléments à partir d’une même zone codante.
Les gènes de ces virus sont organisés en 4 familles :
Les gènes de structure sont les éléments les plus sensibles aux mutations, à cause du phénomène de co-évolution avec le système immunitaire de l’hôte ou de la paroi bactérienne. Ce sont de bons indicateurs dans le cadre de l’étude d’émergents ou de génotypage. Par contre, les gènes 3R sont mieux conservés et sont utilisés pour des études phylogénétiques inter-espèces.
Pour se protéger, les bactéries ont développé plusieurs stratégies de défense, que l’on peut apparenter
à un système immunitaire capable de différencier des molécules d’ADN exogènes des molécules d’ADN endogènes.
Les enzymes de restriction sont des protéines capables de couper l’ADN en fonction d’un motif
(généralement palindromique) spécifique d’une séquence d’ADN. Ce système fut historiquement
découvert en premier, car certaines manipulations de laboratoire visant à produire des OGMs bactériens
ne fonctionnaient pas chez certaines bactéries. Pour empêcher que les enzymes de restriction ne s’attaquent
à leur propre génome, l’ADN endogène des bactéries subit des méthylations sur ces zones de coupure grâce
à l’action de méthylases spécifiques de ces motifs. La méthylation apparaît comme un marqueur du soi.
Récemment, des équipes de recherche ont mis en évidence un autre système de défense : les CRISPR pour
Clustered Regularly Interspaced Short Palindromic Repeats. Chez l’Humain, les zones répétées en tandem
(eg. les séquences ALU) sont utilisées par la police scientifique pour établir le profil génétique d’une personne.
Chez les Bactéries et les Archaea, ce type de structure est également retrouvé. Certaines technologies comme
le MLVA (MultiLocus VNTRs Analysis) utilisent ces régions répétées pour réaliser un profilage précis
des souches microbiennes dans le cadre d’études de génotypage ou d’épidémiologie. Pour valider la stabilité de
ces marqueurs génétiques, des recherches sur le rôle biologique de ces régions ont été réalisées.
Ces travaux ont montré que ces zones répétées correspondaient à des morceaux de génomes viraux.
Lors d’une attaque de virus, le génome viral subit des coupures via les différents systèmes de défense
de la cellule hôte. Certains morceaux sont alors intégrés dans ces zones répétées et serviront de marqueurs
du non soi lors de prochaines attaques. Le système des CRISPR agit de manière analogue aux systèmes
des ARN interférents chez les Eucaryotes. Il génère des petits morceaux d’ARN qui vont cibler l’ADN exogène
par complémentarité pour entrainer sa dégradation par des systèmes protéiques.
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Les bactériophages sont utilisés en médecine en phagothérapie comme bactéricide. Ils peuvent être prescrits
en remplacement ou en combinaison d’un traitement par antibiotique. Cette stratégie donne des résultats
très concluants dans le cas d’infections avec des bactéries multi-résistantes. Cependant pour des raisons éthiques
(il est interdit d’utiliser des organismes vivants comme médicaments), cette technologie n’a jamais connu d’essor
sauf durant la guerre froide en URSS. Les russes n’ont d’ailleurs jamais noté d’effets secondaires graves.
Les phages sont également utilisés en génétique pour concevoir des OGMs bactériens par les techniques de transfection.
Ils jouent alors le rôle de vecteur de clonage comme un plasmide. En séquençage Sanger, des banques
de phages recombinants ont été utilisées pour séquencer certaines régions génétiques. Ils interviennent également
dans des technologies d’identification ou de caractérisation de bactérie car les phages sont en général spécifiques
d’espèces bactériennes.
Dans l’industrie des ferments bactériens et les banques génétiques, les contaminations par les phages
sont un véritable fléau. Leur présence peut conduire à la perte totale ou partielle des bactéries d’intérêt industriel.
La décontamination d’une pièce ou d’un secteur d’un laboratoire est très complexe. Les méthodes à disposition
nécessitent plusieurs opérations de décontamination sans garantir une extermination complète.
En effet, des réservoirs naturels (population de bactéries) peuvent se trouver dans des environnements proches
(dont l’équipe de laboratoire elle-même). En outre, les phages avec un tropisme large sont particulièrement
difficiles à éliminer, car ils peuvent utiliser d’autres espèces bactériennes pour se répliquer.
Dans les cas les plus avancés, il est souvent nécessaire d’abandonner les bâtiments infectés.
La surveillance des phages par des méthodes de détection est donc primordiale pour anticiper et mieux contrôler ce risque.
La communauté scientifique a généré plusieurs centaines de milliers de séquences nucléiques depuis les années 70.
A cela, s’ajoute les autres informations (génotype, phénotype, etc.) contenues dans différentes bases de données
spécifiques. L’ICTV (International Committee on Taxonomy of Viruses) assure une centralisation et une standardisation
de l’information biologique chez les virus.
La bioinformatique permet d’exploiter l’intégralité de ces données pour réaliser des états de l’art ou des analyses.
Cette nouvelle manière de travail ouvre la voie à la notion de laboratoire virtuelle : la possibilité de réaliser
des expériences biologiques sans recourir à la paillasse. Le gain de temps et d’argent est relativement important,
en particulier dans les phases d’exploration ou de faisabilité. Il est ainsi possible de vérifier l’efficacité
des méthodes de détection publiées avec les dernières mises à jour des bases de données ou d’entreprendre
des analyses de génomique comparative qui permettent d’identifier les particularités d’un génome par rapport à d’autres.
L’usage des nouvelles biotechnologies basées sur l’ADN, comme le séquençage NGS (Next-Generation Sequencing),
permet par exemple de réaliser des analyses de génotypage et d’épidémiologie pour remonter à une origine de
contamination et suivre son expansion. La baisse des coûts du NGS offre aujourd’hui la possibilité aux industriels
de recourir à ce type de technologie.